Pour porter ma sélection de jeux indépendants dans le cadre du festival Digital Choc à Tokyo, il s’agissait de trouver quelle forme pouvait prendre l’exposition. L’idée était d’associer exploration du jeu vidéo indépendant et exploration spatiale.
J’avais en tête de travailler avec Jérémie Cortial : auteur de Flippaper, capable de parler et d’écrire le japonais, enthousiaste à l’idée de dessiner les formes de l’exposition.
Principes de la scénographie et montage
L’espace dévolu à l’exposition : la galerie de l’Institut français de Tokyo est un large couloir d’une dizaine de mètres de long. Pour s’adapter à l’espace, Jérémie pense « train de l’espace », dessine un « cosmover » qui deviendra le COSMUSHI = コス虫. L’idée est de présenter la sélection de jeux aux travers de différents espaces, répartis dans la longueur de la galerie.
Jérémie s’appuie dessine une structure en bois et choisit d’intervenir en textile tendu sur l’essentiel des volumes. L’ intérêt de ce choix est de pouvoir ajouter facilement motifs, textures et textes en sérigraphie sur les éléments de décor, en amont de notre séjour, dans la mesure du possible. Concernant la construction bois, l’Institut français de Tokyo dispose d’une équipe de choc : Fernand, regisseur de l’Institut français, et e son ami Philippe, sont mis à forte contribution avant notre arrivée et jusqu’au dernier moment. Le projet est ample et le temps de montage limité à quelques jours. Notre voyage aller complique encore l’équation : notre transit de 45 minutes à Munich se transforme en nuit d’hôtel en Allemagne. Nous prenons presque 24 heures dans la vue. Le montage se fait en flux tendu avec pas mal de coups de mains d’amis de Jérémie domiciliés à Tokyo, sur le finish (merci Kazuko).
Notre ambition est de travailler sur un espace et pas seulement sur des objets. Le joueur sera allongé, retourné ou debout selon les cas, dans des espaces assez clos. C’est le sens de mes propositions auprès de Jérémie : travailler sur une immersion physique dans les jeux.
Module spatial
En « avant-poste », depuis le rez-de-chaussée de l’Institut, un module spatial façon « mission Apollo » donne le ton. Les joueurs sont allongés sur le dos et écran au plafond pour jouer à « Earth has lasers » de Terracottafrog, un jeu de gamejam réalisé en 1 heure qui résume à lui seul les enjeux de l’exposition. L’implication du corps du joueur, l’étrangeté de sa posture, l’adaptation d’un jeu pour une borner 1 ou 2 joueurs, la portée symbolique du propos…
Cockpit
A l’avant du Cosmushi, le cockpit accueille une sélection de jeux et de démos PICO-8 dans des conditions de confort inégalées : projection de l’extérieur sur une toile tendue à hauteur du pare-brise du vaisseau, 2 places et un « control panel » bien fini.
Ci-dessus, photo souvenir avec Joseph White, créateur de la Pico-8, hyper concentrée sur l’interface de contrôle de sa machine (résolution de conflits de contrôleurs en cours).
Wagon 1 / Labo
Le « wagon labo » réunit 5 jeux (dont 2 français, ci-dessous Naut et Even the Stars), Antropocene, 6180 the Moon et Capsule dans une mise en espace plus proche de la salle d’arcade ; à la différence qu’aucun de ces jeux ne correspond aux standards (encore moins aux standards japonais) de la borne d’arcade. L’espace s’inspire aussi des lieux de contrôle des expéditions spatiales, type Cap Canaveral.
Wagon 2 / Training
La zone consacrée à Push me Pull you des australiens Stuart Gillespie-Cook, Michael McMaster, Nico Disseldorp et Jacob Strasser est sans doute celle qui fonctionne le plus comme un « espace de jeu ». Comme nous l’avions imaginé sur le papier, les joueurs quittent leurs chaussures (ou pas), s’étalent, s’allongent, sont à touche-touche par les pieds pour contrôler ces drôles de vers qui se disputent un ballon.


Wagon 3 / Papertronics & love
En queue de train, le wagon présente à la fois Papertronics et Lovers in a dangerous spacetime. L’installation de Jérémie est ici présentée dans sa version Flipper avec un nouveau système d’accroche d’un pico projecteur (aux petits oignons) et une couverture textile sérigraphiée astucieuse. L’hexagone dessiné pour le shoot-em-up collaboratif canadien est couvert de fourrure synthétique : l’occasion de souligner le grand intérêt de ce matériau pour notre projet. Il crée à lui seul des textures et porte une idée de confort très intéressants pour attirer les visiteurs vers les machines de jeu.
Prolongements
Autour de l’expo, Jérémie a aussi réalisé un certain nombre de stickers et autres goodies : le plus frappant, une casquette à même d’accueillir un sandwich triangle (ou un onigiri ?). Le plus intello : une édition de poche de Operating manual for Spaceship Earth de R. Buckminster Fuller.
Jérémie et moi sommes plutôt contents de cette première version de Indie game explorer / Cosmushi. L’idée pourrait être de lui faire voir du pays, en déclinant les thématiques gravitant autour du jeu vidéo indépendant. Ce serait aussi l’occasion de perfectionner le projet, ses techniques de montage, d’assemblage et de signalétique.
Pour finir, voici une sélection des photos que j’ai réalisées autour de l’expo (le jour de l’ouverture et le lendemain). Si vous êtes du côté de Tokyo, l’exposition est ouverte jusqu’au 3 mars prochain, à l’Institut français du Japon. On serait content de vous y voir en photo !
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